Faut-il voir en son accident le symbole du surmenage des maires des petites communes ? Peut-être. Dimanche 8 décembre, Olivier Bureaux, maire DVD de Longueville-sur-Scie, une commune d’un peu moins de 1 000 habitants située à une quinzaine de kilomètres de Dieppe (Seine-Maritime), a été gravement brûlé lors d’une intervention.

Quelques jours après, le choc laisse place à l’introspection. Il se confie sans détour au Point : « Ce qui m’est arrivé ce soir-là, c’est vraiment un accident bête. J’étais fatigué, énervé et déconcentré, et c’est la première fois que je me fais avoir de la sorte. J’ai toujours aimé rendre service, mais là, j’ai payé le prix fort. »

« Plus étourdi et plus fatigué que d’habitude »

Retour en arrière. Le week-end du 7 et 8 décembre, la région dieppoise a été lourdement frappée par la tempête Darragh. Rafales à 160 km/h, 30 000 foyers privés d’électricité, un homme de 66 ans décédé, pris au piège par les fortes et soudaines précipitations… Le week-end a été intense et fatigant pour l’ensemble des habitants du secteur.

À Longueville-sur-Scie, Olivier Bureaux et ses adjoints étaient sur le qui-vive. « Le vent soufflait très fort et des arbres tombaient sur la chaussée », se souvient cet ancien pompier professionnel à Rouen. Après avoir dégagé pendant 48 heures les rues de la commune, dimanche soir, l’édile est rentré chez lui, pensant avoir terminé sa journée.

À LIRE AUSSI « Au secours, ma mairie déraille » : pourquoi tant de dérapages ? « Je me suis mis à l’aise, tranquille chez moi. Je me suis installé sur mon canapé, et même pas cinq minutes après, j’ai reçu un texto d’un administré : la chaudière à bois de la commune, qui alimente les habitations, s’est éteinte. » Une situation assez inhabituelle apparemment.

Homme à tout faire, comme beaucoup de maires de petites communes, Olivier Bureaux a donc décidé d’aller lui-même redémarrer la chaudière, comme il l’a déjà fait à de très nombreuses reprises. Mais, « plus étourdi et plus fatigué que d’habitude », en arrivant sur place, il a commis une erreur de manipulation. « Je pense que la chaudière était éteinte depuis peu… » Après avoir remis dans le mécanisme le bois, le produit à combustion et un cube d’allumage, il a tenté de rallumer la chaudière, en vain. « Je me suis pris un retour de flamme dans la figure. »

« Aujourd’hui, les élus des petites communes sont multitâches »

Gardant ses bons réflexes de pompier, il a très rapidement trouvé un point d’eau et s’est aspergé le visage. « Si je n’avais rien eu sous la main, ça aurait pu être bien pire… » ajoute-t-il. Accompagné par son adjoint lors de son accident, il a été pris en charge par les pompiers en moins de 10 minutes, avant d’être amené en urgences à l’hôpital de Dieppe. Bilan : des brûlures au premier et second degré sur l’ensemble du visage et sur une main. « Tout le reste, c’est un très gros coup de soleil », glisse le maire.

À LIRE AUSSI Comment Thomas, brûlé à 85 %, a été sauvé par des vers marinsAujourd’hui, Olivier Bureaux se sent bien mieux. « C’est surtout mon nez qui me fait toujours souffrir. »

Premiers interlocuteurs des habitants dans les petites communes, les maires font face depuis plusieurs années à un profond malaise, alimenté par les contextes budgétaires et politiques qui pèsent sur les collectivités locales. Depuis le début du mandat des maires élus lors des municipales de juin 2020, 2 400 ont démissionné, laissant craindre une crise démocratique, notamment dans les espaces ruraux.

À LIRE AUSSI Jean-Christophe Fromantin : « L’État se défausse trop sur les maires » « Aujourd’hui, les élus des petites communes sont multitâches, lance Olivier Bureaux. Nous sommes toujours obligés de répondre aux sollicitations des habitants. Je suis même parfois dérangé pendant l’été parce que le scooter d’untel fait trop de bruit ou un autre passe la débroussailleuse le dimanche. […] Un élu de la ville de Paris ne doit pas savoir où se trouve la remise en service du compteur de telle ou telle école, alors que nous, on le sait pour chaque bâtiment. On sait comment remettre l’éclairage public, dépanner… C’est ça, ma vision d’être un élu local. En plus, on le fait avec passion. »

Le maire adresse également un message aux gouvernements successifs : « Ça me fait mal au cœur d’entendre l’État faire des leçons de morale aux maires et de les accuser de creuser le déficit », lance-t-il, amer.

« Les pansements sont impressionnants mais c’est normal avec la pommade »

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Mais tout n’est pas noir. À la suite de son accident, le maire a posté sur Facebook un long message de remerciements, accompagné de deux photos dignes d’une momie égyptienne. « Les pansements sont impressionnants mais c’est normal avec la pommade », commentait le maire sur son Facebook. Ce post a suscité près de 800 réactions. « Ça m’a fait chaud au cœur, ajoute le maire. J’ai même reçu des mails et des textos de maires venant de partout en France, pour me soutenir et qui se reconnaissent dans mon discours. »

In fine, pour lui, cet accident n’est pas de nature à remettre en question son futur de maire. « Juste, la prochaine fois, j’essaierai d’être plus concentré et moins fatigué. »